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Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/251

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nous autres oiseaux nés libres ! Où que nous allions, tout devient libre et ensoleillé autour de nous.

295.

Courtes habitudes. — J’aime les courtes habitudes et je les tiens pour des moyens inappréciables d’apprendre à connaître beaucoup de choses et des conditions variées, pour voir jusqu’au fond de leur douceur et de leur amertume ; ma nature est entièrement organisée pour les courtes habitudes, même dans les besoins de sa santé physique, et, en général, aussi loin que je puis voir : du plus bas au plus haut. Toujours je m’imagine que telle chose me satisfera d’une façon durable — la courte habitude, elle aussi, a cette foi de la passion, cette foi en l’éternité — je crois être enviable de l’avoir trouvée et reconnue : — et maintenant je m’en nourris ; le soir comme le matin, un doux contentement m’entoure et me pénètre, en sorte que je n’ai pas envie d’autre chose, sans avoir besoin de comparer, de mépriser ou de haïr. Et un jour c’en est fait, la courte habitude a eu son temps : la bonne cause prend congé de moi, non pas comme quelque chose qui m’inspire maintenant du dégoût — mais paisiblement, rassasiée de moi, comme moi d’elle, et comme si nous devions être reconnaissants l’un à l’autre, nous serrant ainsi la main en guise d’adieu. Et déjà quelque chose de nouveau attend à la porte, comme aussi ma foi — l’indestructible folle, l’indestructible sagesse ! — ma foi en cette chose nou-