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Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/252

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velle qui, maintenant, serait la vraie, la dernière vraie. Il en est ainsi pour moi des mets, des idées, des hommes, des villes, des poèmes, des musiques, des doctrines, des ordres du jour, des sages de la vie. — Par contre je hais les habitudes durables et je crois qu’un tyran s’est approché de moi, que mon atmosphère vitale s’est épaissie, dès que les événements tournent de façon à ce que des habitudes durables semblent nécessairement en sortir : par exemple par une fonction sociale, par la fréquentation constante des mêmes hommes, par une résidence fixe, par une espèce définie de santé. Au fond de mon âme j’éprouve même de la reconnaissance pour toute ma misère physique et ma maladie et tout ce que je puis avoir d’imparfait — puisque tout cela me laisse cent échappées par où je puis me dérober aux habitudes durables. — Pourtant ce qu’il y aurait de tout à fait insupportable, de véritablement terrible, ce serait une vie entièrement dépourvue d’habitudes, une vie qui exigerait sans cesse l’improvisation : — ceci serait pour moi l’exil, ceci serait ma Sibérie.

296.

La réputation fixe. — La réputation fixe était autrefois une chose d’extrême nécessité ; et partout où la société est dominée par l’instinct de troupeau, pour chaque individu, donner son caractère et ses occupations comme invariables est maintenant encore ce qu’il a de plus opportun, même quand ils ne le sont pas. « On peut se fier à lui, il reste égal