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Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/318

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sa joie des sens, son « bon cœur » se révoltaient contre ces hommes. Toute l’Église romaine repose sur une défiance méridio­nale de la nature humaine, une défiance toujours mal comprise dans le nord. Cette défiance, le midi européen l’a héritée de l’Orient profond, de l’antique Asie mystérieuse et de son esprit contemplatif. Déjà le protestantisme est une révolte populaire en faveur des gens intègres, candides et super­ficiels (le nord fut toujours plus doux et plus plat que le midi) ; mais ce fut la Révolution française qui plaça définitivement et solennellement le sceptre dans la main de « l’homme bon » (de la brebis, de l’âne, de l’oie, et de tout ce qui est incurablement plat et braillard, mûr pour la maison de fous des « idées modernes »).

351.

À l’honneur des natures de prêtres. — Je pense que les philosophes se sont toujours tenus le plus éloignés de ce que le peuple entend par sagesse (et qui donc, aujourd’hui, ne fait pas partie du « peuple » ? —), de cette prudente tranquillité d’âme avachie, de cette piété et de cette douceur de pasteur de campagne qui s’étend dans un pré et qui assiste au spectacle de la vie en ruminant d’un air sérieux ; peut-être était-ce parce que les philosophes ne se sentaient pas assez peuple, pas assez pasteur de campagne. Aussi seront-ils peut-être les derniers à croire que le peuple puisse comprendre quelque chose qui est aussi éloigné de lui que la grande passion de celui qui cherche la connaissance, qui vit