Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/340

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magne par-dessus tout »), donc sub specie speciei, c’est-à-dire de l’espèce allemande, démontre très exactement le contraire. Non ! Les Allemands d’aujourd’hui ne sont pas des pessimistes ! Et Schopenhauer était pessimiste, encore une fois, en tant que bon Européen et non pas en tant qu’Allemand. —

358.

Le soulèvement des paysans dans le domaine de l’esprit. — Nous autres Européens, nous nous trouvons en face d’un énorme monde de décombres, où certaines choses s’élèvent encore très haut, d’autres sont d’aspect caduc et inquiétant, mais la plus grande partie jonche déjà le sol ; cela est assez pittoresque — car où y eut-il jamais de plus belles ruines ? — et c’est couvert de mauvaises herbes grandes et petites. Cette ville en décadence est l’Église : nous voyons la société religieuse du christia­nisme ébranlée jusqu’à ses fondements les plus profonds, la foi en Dieu est renversée, la foi en l’idéal chrétien ascétique lutte encore de son dernier combat. Un ouvrage bâti longtemps et solidement, tel que le christianisme — ce fut le dernier édifice romain ! — ne pouvait certes pas être détruit en une seule fois ; toute espèce de tremblement de terre a dû collaborer par ses secousses, toute espèce d’esprit qui saborde, creuse, ronge, humecte a dû aider à la destruction. Mais ce qu’il y a de plus singulier c’est que ceux qui s’efforcèrent le plus à tenir, à maintenir le christianisme sont ceux qui devinrent ses meil-