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Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/344

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plus ambigu, plus défiant, qui s’est élevé dans l’Église chrétienne son plus sublime monument. N’oublions pas, pour finir, ce que c’est qu’une Église, en opposition avec toute espèce d’« État » : une Église est avant tout un édifice de domination qui assure aux hommes les plus intellectuels le rang supérieur et qui croit à la puissance de l’intellectualité jusqu’à s’interdire tous les moyens violents réputés grossiers, — par cela seul l’Église est de toute façon une institution plus noble que l’État. —

359.

La vengeance sur l’esprit et autres arrière-plans de la morale. — La morale, — où croyez-vous qu’elle puisse bien avoir ses avocats les plus dangereux et les plus rancuniers ? Voilà un homme manqué qui ne possède pas assez d’esprit pour pouvoir s’en réjouir et juste assez de culture pour le savoir. Ennuyé, dégoûté, il n’a que du mépris pour lui-même ; possédant un petit héritage, il est malheureusement privé de la dernière consolation, la « bénédiction du travail », l’oubli de soi dans la « tâche journalière » ; un tel homme qui au fond a honte de son existence — peut-être héberge-t-il de plus quelques petits vices — et qui, d’autre part, ne peut pas s’empêcher de se corrompre toujours davantage, de devenir toujours plus vaniteux et irritable, par des livres auxquels il n’a pas droit, ou une société plus intellectuelle qu’il ne peut la digérer : un tel homme, empoisonné de part en part — car chez un pareil raté l’esprit de-