Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/353

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pas partie de la nature de son amour, — et cela si peu que l’on peut presque parler d’une antinomie natu­relle entre l’amour et la fidélité chez l’homme : lequel amour est un désir de possession et nullement un renoncement et un abandon ; cependant le désir de possession finit chaque fois dans la possession… De fait, c’est le désir subtil et jaloux de l’homme, qui s’avoue rarement et de façon tardive cette « possession », qui fait durer encore son amour ; dans ce cas, il est même possible que l’amour grandisse après l’abandon de soi — l’homme se refuse à avouer que la femme n’a plus rien à lui « abandonner ». —

364.

L’ermite parle. — L’art de fréquenter les hommes repose essentiellement sur l’habitude (qui suppose un long exer­cice) d’accepter, d’absorber un repas dans la préparation duquel on n’a pas confiance. En admettant que l’on vienne à table avec une faim d’ogre, tout ira facilement (« la plus mauvaise société te permet de sentir — » comme dit Méphistophélès) ; mais on ne l’a pas, cette faim d’ogre, lorsqu’on en a besoin ! Hélas ! combien les prochains sont difficiles à digérer. Premier principe : prendre son courage à deux mains, comme quand il vous arrive un malheur, y aller hardiment, être plein d’admiration pour soi-même, serrer sa répugnance entre les dents, avaler son dégoût. Deuxième principe : rendre son prochain « meilleur », par exemple par une louange, pour qu’il se mette à