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Page:Nietzsche - Le Gai Savoir, 1901.djvu/376

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serait, en tous les cas, le règne de la médiocratie et de la chinoiserie), nous prenons plaisir à tous ceux qui, comme nous, ont le goût du danger, de la guerre et des aventures, ceux qui ne se laissent point accommoder et raccommoder, concilier et réconcilier, nous nous comp­tons nous-mêmes parmi les conquérants, nous réfléchis­sons à la nécessité d’un ordre nouveau, et aussi d’un nouvel esclavage — car pour tout renforcement, pour toute élévation du type « homme », il faut une nouvelle espèce d’asservissement — n’en est-il pas ainsi ? Avec tout cela nous nous sentons mal à l’aise dans une époque qui aime à revendiquer l’honneur d’être la plus humaine, la plus charitable, la plus juste qu’il y ait eu sous le soleil. Il est assez triste que ces belles paroles suggèrent d’aussi laides arrière-pensées ! que nous n’y voyions que l’expression — et aussi la mascarade — du plus profond affaiblissement, de la fatigue, de la vieillesse, de la diminution des forces ! En quoi cela peut-il nous intéresser de savoir de quels oripeaux un malade pare sa faiblesse ! Qu’il en fasse parade comme de sa vertu — il n’y a pas de doute, en effet, la faiblesse rend doux, ah ! si doux, si équitable, si inoffensif, si « humain » ! — La « religion de la pitié » à laquelle on voudrait nous convertir — ah ! nous connaissons trop bien les petits jeunes gens et les petites femmes hystériques qui, aujourd’hui, ont besoin de s’en faire un voile et une parure ! Nous ne sommes pas des humanitai­res ; nous ne nous permettrions jamais de parler de notre « amour pour l’humanité », — nous autres, nous ne sommes