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L’ESPRIT RELIGIEUX

contact avec les hommes et les choses de la reli­gion. Et ce peut être précisément chez lui la pro­fondeur de sa tolérance et de son humanité qui lui fait éviter le subtil pis-aller que les habitudes de tolérance entraînent avec elles. — Chaque époque possède son genre particulier de naïveté divine, dont d’autres époques pourraient lui envier la découverte. Et quelle naïveté, quelle naïveté vénérable, enfantine et maladroite au delà de toutes les limites il y a dans cette prétention du savant à se croire supérieur, dans cette tolérance avec une bonne conscience, dans la certitude, simple et imperturbable, avec laquelle son instinct traite l’homme religieux, comme un type inférieur et de valeur moindre, qu’il a lui-même dépassé à tous les points de vue, — lui qui n’est qu’un petit nain prétentieux et populacier, ouvrier laborieux et appliqué, dans le domaine des « idées », des « idées modernes » !

59.

Celui qui a plongé son regard au fond de l’univers devine très bien quelle profonde sagesse il y a dans le fait que les hommes sont superficiels. C’est leur instinct de conservation qui leur enseigne à être fugaces, légers et faux. On trouve çà et là un culte, passionné et plein d’exagération, pour les « formes pures », chez les philosophes comme chez