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PEUPLES ET PATRIES

mûrir et d’accomplir — les Grecs, par exemple, étaient un peuple de cette nature et aussi les Français — ; et d’autres qui ont la mission de féconder et d’être la cause de vies nouvelles — comme les Juifs, les Romains, et peut-être, soit dit en toute modestie, les Allemands ? — des peuples tourmentés et ravis de fièvres inconnues et poussés irrésistiblement hors d’eux-mêmes, pleins d’amour et de désir des races étrangères, (— de celles qui se « laissent féconder » —), avec cela despotiques comme tout ce qui se sait plein de forces génératrices, donc souverain par la « grâce de Dieu ». Ces deux espèces de génies se cherchent comme l’homme et la femme ; mais ils se méconnaissent aussi l’un l’autre — comme l’homme et la femme.

249.

Chaque peuple a sa propre tartuferie et l’appelle sa vertu. — On ne connaît pas ses meilleures qualités, on ne peut pas les connaître.

250.

Ce que l’Europe doit aux juifs ? — Bien des choses, du bon et du mauvais, et avant tout une chose qui est à la fois des meilleures et des pires : le grandiose en morale, la redoutable majesté des revendications infinies, le sens des « valeurs » infinies, tout le romantisme et tout le sublime des énigmes morales, — et par conséquent, ce qu’il y