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PAR DELÀ LE BIEN ET LE MAL

a de plus attrayant, de plus captivant et de plus exquis dans les jeux de nuances et les tentations de vivre dont la dernière lueur, la lueur mourante, peut-être, embrase aujourd’hui le ciel crépusculaire de notre civilisation européenne. Et c’est pourquoi nous autres, les artistes, entre les spectateurs et les philosophes, nous avons pour les juifs — de la reconnaissance.

251.

Il faut s’en accommoder, quand un peuple qui souffre et veut souffrir de la fièvre nationale et des ambitions politiques voit passer sur son esprit des nuages et des troubles divers, en un mot de petits accès d’abêtissement : par exemple, chez les Allemands d’aujourd’hui, tantôt la bêtise anti-française, tantôt la bêtise anti-juive ou anti-polonaise, tantôt la bêtise chrétienne-romantique, tantôt la bêtise wagnérienne, tantôt la bêtise teutonne ou prussienne (qu’on regarde donc ces pauvres historiens, ces Sybel et ces Treitschke, et leurs grosses têtes emmitouflées —), et quel que soit le nom que l’on veuille donner à ces petits embrumements de l’esprit et de la conscience allemande. Qu’on me pardonne si, moi aussi, en faisant une halte courte et audacieuse sur un domaine très infecté, je n’ai pas été entièrement épargné par la maladie et si, comme tout le monde, je me suis livré à des fantaisies sur des choses qui ne me regardent pas : premier symp-