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Page:Nietzsche - Par delà le bien et le mal.djvu/274

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PAR DELÀ LE BIEN ET LE MAL

vertus dont on voudrait aujourd’hui faire des vices, ils le doivent surtout à une foi robuste qui n’a pas de raison de rougir devant les « idées modernes » ; ils se transforment, quand ils se transforment, comme l’empire russe conquiert : la Russie étend ses conquêtes en empire qui a du temps devant lui et qui ne date pas d’hier, — eux se transforment suivant la maxime : « Aussi lentement que possible ! » Le penseur que préoccupe l’avenir de l’Europe doit, dans toutes ses spéculations sur cet avenir, compter avec les juifs et les Russes comme avec les facteurs les plus certains et les plus probables du jeu et du conflit des forces. Ce que, dans l’Europe d’aujourd’hui, on appelle une « nation » est chose fabriquée plutôt que chose de nature, et a bien souvent tout l’air d’être une chose artificielle et fictive ; mais, à coup sûr, les « nations » actuelles sont choses qui deviennent, choses jeunes et aisément modifiables, ne sont pas encore des « races », et n’ont à aucun degré ce caractère d’éternité, qui est le propre des juifs : il est bon que les « nations » se gardent de toute hostilité et de toute concurrence irréfléchie. Il est tout à fait certain que les juifs, s’ils le voulaient, ou si on les y poussait, comme les antisémites ont tout l’air de le faire, seraient dès à présent en état d’avoir le dessus, je dis bien, d’être les maîtres effectifs de l’Europe ; il n’est pas moins certain que ce n’est pas à cela qu’ils visent. Ce que pour le moment, au contraire, ils