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PEUPLES ET PATRIES

veulent, et ce qu’ils demandent avec une insistance un peu gênante, c’est d’être absorbés et assimilés par l’Europe ; ils ont soif d’avoir un endroit où ils puissent enfin se poser, et jouir enfin de quelque tolérance, et de considération ; ils ont soif d’en finir avec leur existence nomade de « Juif errant ». Cette aspiration dénote peut-être déjà une atténuation des instincts judaïques, et il ne serait que juste d’y prendre garde et d’y faire bon accueil ; on pourrait fort bien débuter par jeter à la porte les braillards antisémites. Il faut être prévenant, mais avec précaution, et choisir : l’attitude de la noblesse d’Angleterre est un assez bon exemple. Il est trop évident qu’en Allemagne ceux qui risqueraient le moins à entrer en commerce avec eux, ce sont les types assez énergiques et assez fortement accusés du néo-germanisme, par exemple l’officier noble de la Marche prussienne : il serait à tous égards très intéressant d’essayer s’il y aurait moyen d’unir et de greffer l’un sur l’autre l’art de commander et d’obéir, traditionnel et classique dans le pays que je viens de dire, et le génie de l’argent et de la patience, avec son appoint d’intellectualité, chose qui fait encore passablement défaut dans ce même pays. — Mais voilà plus qu’il n’en faut de patriotisme jovial et solennel ; je m’arrête, car je me retrouve au seuil de la question qui me tient à cœur plus que toute autre, au seuil du « problème européen » tel que je l’entends, je veux dire de l’éducation possible