senter des valeurs nouvelles. L’abîme entre le savoir et la puissance agissante est peut-être plus large et plus vertigineux qu’on ne croit : l’homme d’action de grande envergure, le créateur pourrait fort bien être un ignorant, tandis que, d’autre part, pour les découvertes scientifiques à la manière de Darwin il n’est pas impossible qu’une certaine étroitesse, une certaine sécheresse et une patiente minutie, qu’en un mot quelque chose d’anglais soit une heureuse prédisposition. Il ne faut pas oublier qu’une fois déjà les Anglais, par le fait de leur profonde médiocrité, ont déterminé une dépression générale de l’esprit en Europe : ce qu’on appelle les « idées modernes », ou « les idées du dix-huitième siècle », ou encore « les idées françaises », tout ce contre quoi l’esprit allemand s’est levé avec un profond dégoût, tout cela est incontestablement d’origine anglaise. Les Français ne furent que les imitateurs et les acteurs de ces idées, comme ils en furent les meilleurs soldats et malheureusement aussi les premières et plus complètes victimes : car à la maudite anglomanie des « idées modernes » l’âme française a fini par s’appauvrir et s’émacier au point qu’aujourd’hui ses seizième et dix-septième siècles, son énergie profonde et ardente, la distinction raffinée de ses créations ne sont plus qu’un souvenir à peine croyable. Mais, contre la mode d’aujourd’hui et contre les apparences, il faut défendre cette proposition qui est de simple honnêteté historique
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PEUPLES ET PATRIES