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PAR DELÀ LE BIEN ET LE MAL

Mais il y a une espèce contraire d’hommes qui, elle aussi, se trouve sur la hauteur et dont la vue est libre elle aussi — mais cette espèce regarde en bas.

287.

— Qu’est-ce qui est noble ? Que signifie aujourd’hui pour nous le mot « noble » ? À quoi devine-t-on, à quoi reconnaît-on, sous ce ciel noir et bas du règne de la plèbe qui commence, dans cette atmosphère qui rend toute chose opaque et pesante, à quoi reconnaît-on l’homme noble ? — Ce ne sont pas les actes qui l’affirment, — les actes sont toujours ambigus, toujours insondables ; — ce ne sont pas non plus les « œuvres ». On trouve aujourd’hui, parmi les artistes et les savants, un grand nombre de ceux qui révèlent, par leurs œuvres, qu’un ardent désir les pousse vers ce qui est noble : mais ce besoin de noblesse même est profondément différent des besoins d’une âme noble, il est précisément chez eux le signe éloquent et dangereux de leur manque de noblesse. Ce ne sont pas les œuvres, c’est la foi qui décide ici, qui fixe le rang, pour reprendre une vieille formule religieuse dans un sens nouveau et plus profond : c’est une certaine connaissance foncière qu’une âme noble a d’elle-même, quelque chose qui ne se laisse ni chercher, ni trouver, et qui peut-être ne se laisse pas perdre non plus. — L’âme noble a le respect de soi-même. —