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QU’EST-CE QUI EST NOBLE ?

288.

Il y a des hommes chez qui l’esprit est une chose inévitable, ils ont beau se tourner et se retourner comme ils voudront, et cacher de la main leurs yeux révélateurs (— comme si la main n’était pas traîtresse, elle aussi —). En fin de compte, il apparaît toujours qu’ils ont quelque chose qu’ils cachent, c’est-à-dire de l’esprit. Un des moyens les plus raffinés pour tromper, aussi longtemps que possible du moins, et pour avoir l’air plus bête que l’on n’est, avec succès — ce qui dans la vie commune est aussi désirable qu’un parapluie, — s’appelle l’enthousiasme : y compris les accessoires, par exemple la vertu. Car, comme dit Galiani qui devait le savoir, vertu est enthousiasme.

289.

Dans les écrits d’un solitaire, on entend toujours quelque chose comme l’écho du désert, comme le murmure et le regard timide de la solitude ; dans ses paroles les plus fortes, dans son cri même, il y a le sous-entendu d’une manière de silence et de mutisme, manière nouvelle et plus dangereuse. Pour celui qui est resté pendant des années, jour et nuit, en conversation et en discussion intimes, seul avec son âme, pour celui qui dans sa caverne — elle peut être un labyrinthe, mais aussi une mine d’or — est devenu un ours, un chercheur ou un gardien