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des proportions aussi vastes ? Les créations de Schiller, depuis les Räuber jusqu’à Wallenstein et Tell, suivent une voie semblable de perfectionnement successif, et nous éclairent aussi jusqu’à un certain point sur le développement de leur auteur ; mais chez Wagner la proportion est plus grandiose, la carrière parcourue est plus longue. Tout y a part à cet épurement et sert à l’exprimer ; non seulement le mythe, mais la musique. Je ne connais pas de musique plus morale que celle de l’Anneau du Nibelung ; là, par exemple, où Brünnhilde est réveillée par Siegfried. Là, Wagner s’élève à une hauteur, à une sainteté de sentiment telles que nous pensons involontairement aux reflets vermeils du soleil couchant sur la neige immaculée des sommets des Alpes, tant la nature qui s’y révèle est pure, solitaire, inaccessible, exempte de passion, inondée d’amour ; les nuées et les orages, le sublime même, sont au-dessous d’elle.