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POÉSIES

Et prenant des airs fats en regardant la foule,
Se rengorgeant ainsi qu’un pigeon qui roucoule,
Vient, au milieu d’un bal, tirer un manuscrit.
Pour débiter un madrigal, en pur sanscrit.
Puis Lansac me disait la chronique légère
De ce monde interlope, où j’étais étrangère ;
Ses racontars spirituels m’amusaient fort.
Certes, venir à la Redoute était un tort,
Une quasi coupable et perverse équipée.
Si le duc l’avait su !… J’étais préoccupée,
Inquiète, vraiment ; ce n’était pas banal
D’avoir presque un remords sans rien faire de mal.
Ces dames me lorgnaient : je crois que ma toilette
A triomphé dans la passe d’armes coquette.
Mais, mon plus grand succès ne fut pas celui-là.
Dans les splendeurs de ce moderne Walhalla
On vit paraître Franz Haller, le pianiste ;
Et ce monde blasé, ce monde fantaisiste,
Espérant se griser d’harmonie et d’accords,
Voulut absolument l’entendre. Franz alors,
Entouré d’un essaim de modernes sirènes,
Qui l’enlaçaient avec des grâces souveraines,
Resta froid, dédaigneux, semblant n’entendre rien ;
Mais tout à coup, plongeant son regard dans le mien —
Qu’il avait reconnu, je crois bien, sous le masque —
Il me dit : — (Un artiste est toujours très fantasque)
— « Voulez-vous ? » Je fis « oui », comme ça, sans parler ;
Il s’assit au piano, puis fit d’abord rouler