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POÉSIES

Un prélude onduleux, rhythmé comme une vague,
Qui s’éteignit en un murmure doux et vague ;
Alors fixant sur moi ses yeux, il m’adressa
Son poème d’amour, le rêve commença :

Tout en parlant, elle a marché vers le piano et s’y est assise. Si l’actrice est pianiste, elle exécutera, en sourdine, pendant la tirade suivante, une mazurka de Chopin, si elle ne l’est pas, on jouera dans la coulisse ; enfin, s’il n’y a pas de pianiste, elle s’accoudera sur le clavier.
On n’est plus à Paris, on n’est plus à Venise ;

C’est le Nord très lointain, dans sa blancheur exquise,
C’est la steppe neigeuse où glissent les traîneaux :
Le ciel gris traversé par des vols de corbeaux.
Frileusement j’étais blottie, — âpre délice ! —
Tout près de lui, dans les tiédeurs de ma pelisse
De loutre, jusqu’aux yeux ayant bien enfoncé
Cette petite toque en velours vert foncé
Qui me va bien, dit-on, à cause de l’aigrette
D’émeraudes ; le vent tout autour de sa tête
Soulevait ses cheveux. Parfois on rencontrait
Des Tziganes errants ; une femme lisait
Un avenir d’amour dans nos mains enlacées,
Oh, quelle rhythme bizarre en leurs chansons dansées !
Comme leurs fiers talons tapaient sur le sol dur
Dans ces pays tout blancs ignorés de l’azur !
Pour moi seule chantait cet instrument magique.
Par les enchantements ailés de la musique
Tous les cerveaux étaient troublés divinement ;
Comme Orphée il chantait… ! Mais il vint un moment