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POÉSIES

le moine (entrant)
Je ne suis pas un moine.
yseult (à part)
Ce beau page d’azur espiègle et libertin
Me plaît, car il ressemble au chanteur florentin.
Réduit en bronze, il ferait bien sur ma pendule.
Pour mieux le subjuguer, feignons d’être crédule
Et de croire, naïve, à tous ses beaux discours.
le moine
Suzeraine adorée, écoute mes amours.
Quand la première fois, au sortir de l’église,
Je te vis, belle Yseult, oh ! châtelaine exquise,
Un voile blanc flottant aux pointes du pennin
Qui couronnait de cornes d’or ton front divin.
Sur le chemin poudreux, ta robe armoriée
Traînait avec un bruit très doux, coloriée,
Tu marchais au milieu d’un peuple prosterné,
Je sentis que l’amour dans mon cœur était né.
Voyant Enguerrand endormi.
Oh ! jalousie, horreur, vertige, abîme, gouffre !
Tu n’es pas à moi seul, mon Yseult, et je souffre.
Tu lui juras soumission devant l’autel
Tu le reçois, suave, au seuil de ton castel…
Quand il rentre le soir, animé par la chasse,
Et qu’il pose les lourds aciers de sa cuirasse
Ce guerrier doit avoir l’audace des hussards !
Je vois tes bras neigeux meurtris par ses brassards,