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Page:Nina de Villard - Feuillets parisiens, 1885.djvu/90

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POÉSIES

Ait fini de causer avec des ingénues.
J’ai vu naître et mourir bien des jeunes revues
Et j’ai noctambulé triste, hagard, crotté,
Vêtu pendant l’hiver de jaquettes d’été,
Et d’ulsters poussiéreux pendant la canicule.
Mais un jour lassé d’être un martyr ridicule,
« Pour dompter le public, il faut, me suis-je dit,
Employer quelque truc aussi fort qu’inédit. »
Alors j’ai dédaigné les ornières connues,
Que suivaient les anciens pour aller jusqu’aux nues,
Et pour mieux m’écarter des vulgaires chemins,
À la postérité j’ai marché sur les mains.


Je suis le clown moderne et froid, ma jambe maigre,
Comme un piment confit longtemps dans du vinaigre
A d’étranges zigzags où le songeur se plaît ;
Je sais poser mon front pensif sur mon mollet,
En faisant de petits bonjours de ma bottine
À la brune ambrée, aux senteurs de veloutine,
Qui profile son galbe aimable aux promenoirs.
Je vois s’illuminer les yeux verts, bleus ou noirs,
Quand au son du hautbois, de mon orteil senestre,
Je mouche élégamment le nez du chef d’orchestre.
Je porte une perruque écarlate, un maillot
Tout zébré de dessins fantasques, dernier mot
Des gommeux du tremplin ; un sourcil circonflexe
Abrite mon regard, qui trouble l’autre sexe.