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POÉSIES

Je suis le roi des désossés ; comble de l’art,
Je rase une table en faisant le grand écart,
Comme un rameur véloce en une périssoire.
J’improvise des pas sur une balançoire ;
Les applaudissements gantés me sont acquis,
Quand je jongle avec des couteaux, d’un air exquis.
Brillant d’une gaîté féroce et japonaise,
Tantôt guépard, tantôt boa, tantôt punaise,
Je sais bondir, ramper, m’aplatir, chaque soir,
Et ce qui sert aux autres hommes à s’asseoir,
Me sert à moi, le clown rêveur, de mandoline,
Pour ma chanson sans mot, sans notes, mais caline.
C’est alors que je plane — et je reprends mon rang
De descendant direct du père orang-outang.

D’être son petit-fils je sens si peu de honte
Que vers ce grand aïeul fièrement je remonte.
Loin de répudier sa haute parenté,
Je le prends pour modèle, et c’est ma vanité,
Qu’on dise quand, rasé de frais, galbeux, le linge
Éclatant de blancheur, je parais : « Tiens ! un singe ! »