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Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/18

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tion subite, il s’était alité presque contre l’avis de son médecin.

Le docteur Delorme qui le soignait, n’avait jamais paru inquiet ; deux jours auparavant, il répétait encore :

— Ce ne sera absolument rien ; la fièvre est violente parce que le tempérament de M. de Sauvetat est très fort ; mais il n’existe pas le moindre danger, je le certifie.

Devant une affirmation aussi catégorique, les nombreux amis de M. de Sauvetat s’étaient rassurés ; ils attendaient même la nouvelle de sa convalescence, lorsque, subitement, la veille au soir, cette hépatite si bénigne diagnostiquée par le docteur Delorme s’était compliquée d’une foudroyante péritonite, il n’y avait plus d’espoir, la mort arrivait à grands pas.

Dire le bouleversement, l’effarement, la douleur même que cette catastrophe imprévue apporta dans Roqueberre, est chose impossible.

M. de Sauvetat âgé de quarante-cinq ans, marié à une jeune femme des plus sympathiques, Blanche d’Auvray, père d’une enfant de quinze ou seize ans, était l’homme le plus considérable, le plus riche, et, chose plus rare, le plus estimé de la contrée.

En effet, maire de la ville et membre du conseil général depuis de longues années, il avait fait un bien immense dans le pays. Il l’avait doté à ses frais d’une infinité de choses trop utiles et trop coûteuses pour que le gouvernement voulût les accorder ; il avait régularisé ses impôts, mis de l’ordre dans les petites finances, pris en main les intérêts de chacun ; enfin il avait su conquérir la sympathie de tout le monde, et on le lui prouvait à cette heure suprême par une douleur qui n’était pas feinte.