Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/19

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

La nuit s’avançait, une froide nuit d’hiver où l’on entendait la pluie battre les murs et le vent siffler dans les arbres.

Dans une grande chambre de l’hôtel de Sauvetat, la famille, le docteur, les vieux domestiques étaient réunis autour du lit du mourant.

Afin que la lumière ne gênât point le malade, une seule lampe éclairait l’immense pièce et rendait plus triste et plus lugubre cette scène de mort.

M. de Sauvetat affaissé sur ses oreillers, la figure horriblement contractée par les affres de l’agonie, avait les yeux fermés. Son sommeil était pénible, tout agité de soubresauts convulsifs. Sa respiration inégale soulevait les couvertures.

De loin en loin une plainte déchirante s’échappait de ses lèvres.

Sa femme, madame de Sauvetat, assise dans un grand fauteuil au chevet du lit, suivait des yeux les progrès rapides du mal et l’affaiblissement visible du mourant. Elle pleurait abondamment, et de temps à autre, par quelque exclamation désespérée, elle maudissait son malheur ou suppliait le docteur de sauver son mari.

Au pied du lit, une autre jeune femme qu’on appelait simplement Marianne, était debout, aussi pâle que celui dont on attendait le dernier soupir.

Plus blanche qu’un marbre, aussi immobile, en apparence aussi impassible que lui, elle ne gémissait pas, elle ne pleurait pas, mais ses traits d’une beauté admirable, altérés par un désespoir indicible, en faisaient si bien l’image de la suprême douleur ici-bas, qu’en la voyant on se sentait remué jusqu’au fond de l’âme.

— N’y a-t-il donc plus d’espoir, s’écria tout à coup madame de Sauvetat. Ô docteur ! docteur ! sauvez-le,