Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/20

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et que Dieu prenne ma vie, s’il le faut, en échange de la sienne.

— M. de Sauvetat touche à sa dernière heure, Madame, dit M. Delorme en essuyant une larme rebelle, il n’y a plus rien à tenter.

Blanche se renversa dans son fauteuil avec un bruyant sanglot, tandis que l’autre jeune femme silencieuse, l’œil sombre et la narine frémissante, se cramponnait au grand dossier d’ébène comme si l’angoisse qu’elle éprouvait devenait plus forte que l’énergique volonté qu’on lisait sur son large front légèrement renflé vers les tempes.

— Je ne veux pas que mon mari meure, reprit Blanche au bout de quelques minutes, je ne le veux pas ! Est-ce que nous pouvons nous séparer ? Au nom de tout ce que vous pouvez aimer, rendez-le moi.

Étienne Delorme se retourna.

— Tout est inutile, dit-il, une péritonite s’est déclarée, il n’y a plus de remède.

Marianne tressaillit profondément, et d’une voix singulièrement indignée :

— Plus bas, Monsieur, fit-elle avec hauteur, vous devriez comprendre l’inconvenance de ces explications.

— Monsieur de Sauvetat n’entend plus, il ne voit plus, Mademoiselle, répondit le docteur, il ne perçoit certainement plus aucune sensation.

— Qu’en savez-vous !

— Voyez plutôt.

Joignant tout aussitôt le geste à la parole, M. Delorme saisit la main du mourant et l’ayant soulevée à une certaine hauteur, il l’abandonna subitement. Avec une lourdeur de plomb, inerte et inconsciente, cette main retomba sur le linceul blanc. La figure de M. de