Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/349

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— Les pressentiments ne sont pas des puérilités, ma chérie, le cœur a des intuitions qui ne trompent pas. Le mien se brise. L’un de mes deux absents bien-aimés me réclame et me désire, j’en suis sûre.

La comtesse essaya de consoler Marianne : elle n’y réussit pas.

On aurait dit, du reste, que tout, même les choses extérieures, se faisait complice de cette inexplicable tristesse de la détenue.

La classe, ordinairement docile, était en proie à de sourdes agitations ; au dehors, le temps bas et pluvieux entretenait dans l’atmosphère une humidité qui pénétrait et glaçait jusqu’au cœur.

Et puis ce mois de décembre était mauvais pour Marianne ; il lui rappelait de si poignants souvenirs !

Au milieu du travail du matin, madame Marie-Aimée entra et s’approcha de son amie.

Elle était très pâle ; dans ses grands yeux bleus on voyait trembler des larmes.

— Le directeur veut te voir, dit-elle très bas à la détenue, ne le fais pas attendre.

Une douleur aiguë traversa le cœur de Marianne.

Cependant, ses fonctions de surveillante l’obligeaient fréquemment à donner des renseignements ; elle s’empara de cette idée et essaya de se rassurer.

— Viens-tu ? demanda-t-elle à son tour à madame de Ferreuse. Accompagne-moi.

L’émotion de cette dernière augmenta.

— Je ne le puis pas, répondit-elle sans la regarder.

Marianne s’éloigna ; les hésitations de madame Marie avaient ravivé ses appréhensions. Un énervement singulier faisait chanceler ses pas, elle se soutenait à peine.

Elle arriva devant le cabinet : la porte était entr’ouverte.