Page:Ninous - L Empoisonneuse.pdf/350

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Dans la pénombre, la silhouette d’un homme debout se profilait vaguement ; ce n’était pas le directeur.

Marianne, éblouie par le grand jour qu’elle venait de traverser, devina plutôt qu’elle ne vit celui qui l’attendait.

— Vous ici ! s’écria-t-elle toute défaillante, ah ! c’est mal, Jacques, vous manquez à toutes vos promesses.

Et elle recula comme pour trouver un appui vers le mur, car ses forces l’abandonnaient.

Jacques fit quelques pas au-devant d’elle : son émotion était aussi poignante que celle de Marianne ; ses lèvres devenaient toutes blanches, son front pâle était baigné de sueur.

— Non, ma Dame, dit-il en appuyant sur ces mots d’une façon significative, je ne viole pas plus aujourd’hui mes serments que depuis trois ans je n’ai trahi la parole que, de votre part, un autre m’avait arrachée. Et cependant, nul, pas même vous, ne saurez ce qu’elle m’a coûté de larmes et de tortures, cette promesse-là ! Mais, vous, à votre tour, vous rappelez-vous les aveux échangés dans cette misérable prison de Roqueberre ? Vous souvenez-vous qu’en ce jour à jamais mémorable pour moi j’ai connu mon trésor, et je l’ai perdu ! Savez-vous encore que j’ai bien voulu faire taire mon intelligence, anéantir ma volonté, ne pas chercher, ne pas trouver surtout, pour vous laisser aller remplir un devoir ? Je vous ai vu couvrir de honte, vous la plus parfaite des créatures ; je t’ai perdue, toi ma vertu mon amour, ma vie, mon seul bien ; loin de toi je n’ai pas vécu, j’ai souffert, j’ai lutté ; dans des angoisses sans nom, mon cœur s’est brisé, t’appelant, te cherchant, te désirant, t’adorant, ma vaillante, ma sainte, ma seule aimée !… Et tout cela, parce que tu m’avais juré d’accepter la réhabilitation le jour où elle arrive-