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Moral ; M. Lalande ne fait pas fi d’une science qu’il ignore comme les autres, mais qui lui offre le spectacle délicieux d’une méthode étrangère aux objets qu’elle devrait embrasser. Mais Durkheim n’est pas seulement l’interlocuteur d’un dialogue échangé entre professeurs de Sorbonne : tout se passe réellement comme si le fondateur de la sociologie française avait écrit la Division du Travail Social pour permettre à d’obscurs administrateurs de composer un enseignement destiné aux instituteurs. L’introduction de la Sociologie dans les Écoles Normales a consacré la victoire administrative de cette morale officielle. Il y a eu des années où Durkheim a édifié son œuvre et répandu son enseignement, avec une grande obstination, avec une grande rigueur autoritaire, en donnant à cette œuvre les allures vénérables de la science : au nom de ces allures, au nom de cette science, des instituteurs apprennent aux enfants à respecter la Patrie française, à justifier la collaboration des classes, à tout accepter, à communier dans le culte du Drapeau et de la Démocratie bourgeoise. C’est pourquoi le Manuel de MM. Hesse et Gleyze, les textes choisis de M. Bouglé, me semblent beaucoup moins inoffensifs que les secrètes pensées de M. Gabriel Marcel. C’est pourquoi le Manuel de M. Cuvillier qui consacre la victoire secondaire de Durkheim me paraît bien plus important que l’Essai d’un Discours Cohérent de M. Julien Benda. Car ces manuels parmi d’autres écrits manifestent le pouvoir de diffusion de cette doctrine d’obéissance, de conformisme et de respect social qui a avec les années obtenu un si vaste crédit, une audience si nombreuse : dans la marche durkheimienne, la bêtise socialiste emboîte le pas à la bêtise radicale, la sottise de M. Déat ne le cède point à celle de M. Fauconnet. Durkheim accomplit enfin et parfait dans la