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Page:Nizan - Les Chiens de garde (1932).pdf/132

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faite, dès l’instant qu’ils se rallient. Nous ne tomberons pas dans des rêves d’avenir. La tâche de la philosophie est infiniment plus prochaine et plus humble.

Le travail efficace de la philosophie révolutionnaire n’est possible que par une liaison, par une union intimes, par une identification du philosophe et de la classe qui porte la Révolution. Il ne saurait réaliser les dénonciations auxquelles il se sent obligé, affirmer les valeurs humaines vers lesquelles il tend, que par un commerce pratique avec les institutions du prolétariat. Ce n’est pas assez dire que la trahison qui est ici défendue, qui est ici exigée, comporte la fidélité à une classe : il faudra aller jusqu’à dire que le technicien de la philosophie révolutionnaire sera l’homme d’un parti. La moindre assemblée syndicale comporte plus de points d’application de la pensée concrète qui est la véritable philosophie, que l’inauguration d’une statue de philosophe, ou qu’une discussion de sages à l’abbaye de Pontigny.

Pour ce philosophe des serviteurs, plus d’illuminations à prodiguer, de mythes à bâtir, plus de magie. Mais un patient, un modeste travail de dénonciation et d’éclaircissement des conditions inhumaines. Mais l’établissement d’une connaissance réelle, orientée vers les résultats pratiques d’une action. Le philosophe n’est plus que le spécialiste des exigences, des indignations que connaissent les hommes exploités. Il élaborera patiemment les techniques de la libération.

Cet éclaircissement comporte la décadence de toutes les philosophies destinées par la bourgeoisie à affermir son pouvoir et à obscurcir la conscience propre des exploités. Une dénonciation de toutes les illusions, de toutes les