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Page:Nizan - Les Chiens de garde (1932).pdf/90

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incompatibles avec les valeurs, les vertus, les défenses, les espérances bourgeoises. Qui sert la bourgeoisie ne sert pas les hommes.

Les philosophies produites par la bourgeoisie au pouvoir, par la pensée bourgeoise installée au pouvoir spirituel sont des philosophies incomplètes : car elles ne tiennent aucun compte de l’état de pauvreté, de l’état de servitude. C’est pourquoi elles ne conviennent, encore une fois, qu’aux oppresseurs.

Mais il faut derechef répéter que la loi de la Philosophie ne prescrit pas la défense pratique de la liberté pratique, de la richesse pratique. Une pareille loi est purement imaginaire. Aucun Dieu ne l’a jamais édictée. Aucun Esprit ne l’a jamais promulguée. Il suit de là qu’il n’existe pas de dialectique persuasive, de chaînes de raisons capables de contraindre les penseurs contemporains à prendre cette urgente défense au nom même d’une règle morale absolue de la Philosophie. Mise en perspective, comme dit M. Brunschvicg, la Philosophie considérée dans son développement ne comporte aucune nécessité intrinsèque, aucun principe intrinsèquement nécessaire qui la conduisent nécessairement à cette défense. Mais il existe, mais il a toujours existé un certain ensemble de volontés extrinsèques qui ont dirigé et qui dirigeront les étapes successives du développement de la Philosophie. Des volontés qui l’accélèrent, le ralentissent, le retournent, le font marcher au rebours de son sens antérieur.

Il n’est pas absurde, il n’est pas intrinsèquement irrationnel, c’est-à-dire contradictoire avec des principes fondamentaux, que la Philosophie préfère la pauvreté à la richesse, la servitude à la liberté. À la Société Française de Philosophie, il arriva à un philosophe de déclarer naïvement