Page:Noël - Fin de vie (notes et souvenirs).djvu/10

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il n’y put achever ses études et dut continuer, loin de la routine et des routiniers, à s’instruire tout seul, à interroger ses émotions en toute sincérité, à chercher la voie originale de sa pensée. Sans doute il ne dédaigna point les professeurs, mais il sut les choisir parmi les grands et les garder toute sa vie à ses côtés : c’étaient les classiques, Eschyle et Sophocle, Lucrèce et Tacite, Montaigne et Rabelais, Molière et La Fontaine, Montesquieu, Rousseau, Voltaire et Diderot. Nul en France ne fut plus intime avec ces grands hommes ; nul ne sut mieux penser, vivre moralement, et même à l’occasion s’amuser et plaisanter avec eux, car il était leur camarade et leur ami. Et parmi les contemporains et compatriotes, il sut aussi choisir.

À Rouen, la vieille cité normande qu’il aima et qu’il chanta, ses compagnons constituaient certainement l’élite par l’intelligence ou le génie, par le savoir, l’esprit et la noblesse de l’âme. Avec eux il connut le bonheur et sut l’apprécier. Noël comprit si pleinement sa haute chance qu’il en resta toujours jeune ; à quatre-vingts ans, il n’était vieillard que par la blancheur de sa chevelure et