Page:Noël - Fin de vie (notes et souvenirs).djvu/9

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Eugène Noel ne ressemblait à personne. Né de la terre comme un faune ou comme un sylvain, il avait grandi et s’était développé comme un paysan philosophe, bien à part, avec son caractère bien à lui, ses idées propres, ses fantaisies personnelles, son mouvement spontané de passion et de joies. Il n’eut rien à perdre de son enfance toujours libre et heureuse ; il n’apprit point à feindre, à simuler, à se grimer comme la plupart des hommes ; il se laissa porter par la vie sans avoir à faire effort contre le courant. Du reste, la chance l’avait pleinement favorisé en le faisant vivre à la campagne, au milieu des fleurs et des bêtes : il eut le bonheur de contracter amitié avec les arbres et les humbles plantes, avec les pierres même. Pour lui, tout devint vivant : pas une goutte de rosée dont il ne fît une personne, pas un frisson dans l’herbe dans lequel il ne reconnût un de ses amis, mulot, lézard ou hanneton, pas un écho qu’il ne comprît, pas un souffle de l’air qui ne lui parût apporté spécialement par la bonne Nature.

Jeune homme, il fut aussi favorisé, même par un apparent guignon : envoyé à l’École de Droit,