Page:Noël - Fin de vie (notes et souvenirs).djvu/55

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même, sans avoir pourtant leurs souvenirs épiques, je me surprends, au milieu de mes livres fermés, faisant comme ils faisaient, mes lectures intérieures. Ceci est un des charmes de la vieillesse, et ce charme peut aller jusqu’au ravissement.

Parmi ces vieux, il y avait aussi une vieille toujours sur la porte, assise dans un fauteuil, non loin de la Croix-de-Pierre ; c’était une marchande de chaux vive appelée la mère Dieu. Une large cornette, de beaux cheveux blancs, sa figure calme et réfléchie, me causaient une impression de respect, de crainte et de tremblement tout à fait extraordinaire. Il m’en prit plus d’une fois des palpitations. C’est que, sans oser le dire à personne, ni poser même à ma mère aucune question là-dessus, je n’étais pas bien sûr qu’elle ne fût la propre femme du bon Dieu. Elle n’était pas sans ressemblance avec le Père éternel d’Honfleur, que représentait, au milieu de Mages, une très belle enseigne sur le quai.

On n’a pas idée de l’intérêt et de l’émotion que me causaient tous ces vieux.


X


Vis-à-vis de notre demeure se trouvait l’auberge de Saint-Christophe, dirigée par un de ces vieillards, M. Lecouvreur ; celui-là, tout à fait homme de