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Le roi mourut, et fut, dans son palais, en grand costume d’amiral, exposé aux yeux de tous.

là je vis la reine. Maraü, tel était son nom, ornait de fleurs et d’étoffes le salon royal. — Comme le directeur des travaux publics me demandait un conseil pour ordonner artistement le décor funéraire, je lui indiquai la reine qui, avec le bel instinct de sa race, répandait la grâce autour d’elle et faisait un objet d’art de tout ce qu’elle touchait.

Mais je ne la compris qu’imparfaitement, à cette première entrevue. Déçu par des êtres et des choses si différents de ce que j’avais désiré, écœuré par toute cette trivialité européenne, trop récemment débarqué pour avoir pu démêler ce qui persiste de national dans cette race vaincue, de réalité foncière et de beauté primitive sous le factice et désobligeant placage de nos importations, j’étais en quelque sorte aveugle : Aussi ne vis-je en cette reine, d’un âge déjà mur, qu’une femme ordinaire, épaisse, avec de nobles restes. Quand je la revis, plus tard, je rectifiai mon premier jugement, je subis l’ascendant de son « charme maorie ». En dépit de tous mélanges, le type tahitien était, chez elle, très pur. Et puis, le souvenir de l´aïeul, le grand chef Tati, lui donnait, comme à son frère, comme à toute sa famille, des dehors de grandeur vraiment imposants. Elle avait patte majestueuse forme sculpturale de là bas, ample á la fois et gracieuse, avec ces bras qui sont les