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NOA NOA

en noir, sur les ardeurs violettes du ciel, les montagnes, dont les arrêtes dessinaient d’anciens châteaux crénelés.

Est-ce sans motifs que des visions féodales me poursuivent devant ces architectures naturelles ? Là bas, ce sommet a la forme d’un Cimier gigantesque. Les flots, autour de lui, qui font le bruit d’une foule immense, ne l’atteindront jamais. Debout parmi les splendeurs en ruines, le Cimier reste seul, protecteur ou témoin, voisin des cieux. Je sens qu’un regard caché plonge, du haut de cette tête, dans les eaux où fut engloutie la famille des vivants après qu’ils eurent commis le péché de la tête : et de la fissure vaste où serait la bouche je sens fluer l’ironie ou la pitié d’un sourire sur les eaux où dort le passé..

La nuit tomba vite. Moréa dormait.

Le silence ! J’apprenais à connaître le silence d’une nuit tahitienne.

Je n’entendais que les battements de mon cœur, dans le silence

Mais les rayons de la lune, à travers les bambous également distants entre eux de ma case, venaient jouer jusque sur mon