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lit. Et ces clartés régulières me suggéraient l’idée d’un instrument de musique, le pipeau des Anciens, que les Maories connaissent et qu’ils nomment vivo. La lune et les bambous le dessinaient, exagéré ; tel, c’est un instrument silencieux, tout le jour durant ; la nuit, dans la mémoire et grâce à la lune, il redit au songeur les airs aimés. Je m’endormis à cette musique. Entre le ciel et moi, rien, que le grand toit élevé, frêle, en feuilles île pandanus, où nichent les lézards. J’étais bien loin de ces prisons, les maisons européennes ! Une case maorie ne retranche point l’homme de la vie, de l’espace, de l’infini…

Cependant je me sentais, là, bien seul.

De part et d’autre, les habitants du district et moi, nous nous observions, et la distance, entre nous, restait entière.

Dès le sur lendemain, j’avais épuisé mes provisions. Que faire ? Je m’étais imaginé qu’avec de l’argent je trouverais tout le nécessaire de la vie. Je m’étais trompé. Franchi le seuil de la ville, c’est à la nature qu’on doit s’adresser pour vivre, et elle est riche, elle est généreuse, elle ne refuse rien à qui va lui demander sa part des trésors dont elle a d’inépuisables réserves dans les arbres, dans la montagne, dans la mer. Mais il faut savoir grimper aux arbres élevés, il faut pouvoir