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NOA NOA

Un ami m’est venu.

Il m’est venu de lui-même, et je puis avoir, ICI, la certitude qu’il n’a obéi, en venant à moi, à aucun bas mobile d’intérêt.

C’est un de mes voisins, un jeune homme très simple et très beau.

Mes images coloriées, mes travaux dans le bois l’ont intrigué, mes réponses à ses questions l’ont instruit. Pas un jour qu’il ne vienne me regarder peindre ou sculpter…

Après si longtemps, j’ai plaisir encore au ressouvenir des sentiments vrais et réels que j’éveillais dans cette nature vraie et réelle.

Et le soir, quand je me reposais de ma journée, nous causions. Il me faisait des questions de jeune sauvage curieux des choses européennes, surtout des choses de l’amour, et plus d’une fois ses questions m’embarrassèrent.

Mais ses réponses étaient bien plus naïves encore que ses questions.

Un jour, je lui mis dans les mains mes outils et un morceau de bois : je voulais qu’il s’essayât à sculpter. Interloqué, il me considéra d’abord en silence, puis il me rendit le bois et les outils en me disant, avec simplicité, avec sincérité, que, moi, je n’étais pas comme tout le monde, que je pouvais des choses dont les autres hommes étaient incapables, que j’étais utile aux autres.