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NOA NOA

que chose de viril est en elles, et, en eux, quelque chose de féminin.

Cette ressemblance des sexes facilité leurs relations, et la nudité perpétuelle, en écartant des esprits la préoccupation dangereuse du mystère, le prix qu’il prête aux « hasards heureux » et ces couleurs furtives ou sadiques de l’amour chez les civilisés, donne aux mœurs une innocence naturelle, une parfaite pureté. L’homme et la femme, étant des camarades, des amis autant que des amants, sont presque sans cesse, pour la peine comme pour le plaisir, associés, et la notion même du vice leur est interdite.

Pourquoi, et par cette atténuation même des différences sexuelles, dans l’ivresse des lumières et des parfums, l’évoquait-elle tout à coup chez un vieux civilisé, cette notion redoutable, avec le prestige du nouveau, de l’inconnu ?

La fièvre me battait les tempes et mes genoux fléchissaient.

Mais le sentier était fini ; pour traverser le ruisseau, mon compagnon se détourna, et, dans ce mouvement, me présenta la poitrine : l’androgyne avait disparu. C’était bien un jeune homme qui marchait devant moi, et ses yeux calmes avaient la limpide clarté des eaux.

La paix rentra aussitôt en moi.

Nous fîmes halte, un instant, et j’éprouvai une jouissance