infinie, une jouissance de l’esprit plutôt que des sens, à me plonger dans l’eau fraîche du ruisseau.
— Toë toë (c’est froid), me dit Jotéfa.
— Oh non ! répondis-je.
Et cette exclamation qui, dans ma pensée, correspondait, pour la conclure, à la lutte que je venais de livrer en moi-même contre toute une civilisation pervertie, au sursaut révolté de l’âme qui choisit entre la vérité et le mensonge, éveilla dans la forêt de sonores échos. Et je me dis que la Nature m’avait vu lutter, qu’elle m’entendait, qu’elle me comprenait : maintenant, à mon cri de victoire elle répondait, avec sa grande voix, qu’elle voulait bien, après l’épreuve, m’accueillir au rang de ses enfants.
Nous reprîmes notre route, et je m’enfonçai vivement dans le fourré, vivement et passionnément, comme si j’eusse espéré ainsi pénétrer au cœur-même de cette immense nature maternelle et me confondre avec ses éléments vivants.
Mon compagnon allait toujours son pas égal, les yeux toujours tranquilles. Il n’avait rien soupçonné, je portais seul le fardeau d’une mauvaise pensée.
Nous arrivions au but.
Les murs escarpés de la montagne s’étaient peu à peu évasés, et, derrière un rideau d’arbres profond, s’étendait une