Page:Noailles - L’Ombre des jours, 1902.djvu/7

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Pauvre Amour, triste et beau, serait-ce bien possible
Que vous ayant aimé d’un si profond souci,
On pût encore marcher sur le chemin durci
Où l’ombre de vos pieds ne sera plus visible ? …

Revoir sans vous l’éveil douloureux du printemps,
Les dimanches de mars, l’orgue de Barbarie,
La foule heureuse, l’air doré, le jour qui crie,
La musique d’ardeur qu’Yseult dit à Tristan.

Sans vous, connaître encore le bruit sourd des voyages,
Le sifflement des trains, leur hâte et leur arrêt,
Comme au temps juvénile, abondant et secret
Où dans vos yeux clignés riaient des paysages.

Amour, loin de vos jeux revoir le bord des eaux
Où trempent azurés et blancs des quais de pierre,
Pareils à ceux qu’un jour, dans l’Hellas printanière,
Parcoururent Léandre et la belle Héro.