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Page:Noailles - L’honneur de souffrir, 1927.djvu/108

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L’HONNEUR DE SOUFFRIR


Vis, intrus éphémère, en qui la paix abonde !
Les grands proscrits sont ceux que le destin comblait,
Qui, debout sur la proue orageuse du monde,
Trouvaient leur parenté quand l’éther s’étoilait.

Ceux-là peuvent quitter l’univers où leur être
Par sa force ajoutait à la création.
Leur poussière, pareille au vent puissant, pénètre
Ce qui se meut, du sol aux constellations.

Ceux-là possédaient bien, dans leur subtile sève,
— Loi de l’exactitude et de la pâmoison —
L’âme, qui n’est jamais que des instincts qui rêvent,
Et qui ne peut tromper la divine raison.

Qu’ils meurent, ces beaux fronts où tout mit son empreinte,
Ces yeux où tout pays somptueux fut planté,
Ces cœurs qu’éblouissait Sophocle dans Corinthe,
Ce souffle où se jouait l’universel été !

Qu’il dorme, parfumé, digne toujours de plaire,
Ce corps qui n’osait plus croire à la fin du mal ;
Que son renom soit pur, frénétique et stellaire,
Ô corps mystérieux, saintement animal !