Page:Noailles - La Nouvelle Espérance, 1903.djvu/11

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passé, si différent, si fou, si pauvre, mais qui riait et pleurait à en mourir de félicité…

Elle releva sa voilette qui embarrassait son regard.

— Vois-tu, Marie, continua-t-elle, j’ai été sombre et volontaire, et si mélancolique, si acharnée et si têtue que le sort me regardait et ne me touchait pas, parce que je lui faisais peur… Et puis, un jour, j’ai cédé, j’ai molli ; je n’ai plus su ce que je voulais et ce que je ne voulais pas ; alors tout a été mal : les ennuis sont venus, et les maladies et les malchances pour tout…

— Maintenant, tu es mieux, ce n’est plus comme cela ? demanda la jeune fille, dont les yeux se rapprochaient jusqu’au cœur de l’autre.

— Non, dit Sabine, ce n’est plus comme cela ; il y a des heures que je trouve tout à fait bonnes, vers le soir surtout, avec les lampes, quand j’ai le sentiment que rien ne va bouger autour de nous ; seulement, je ne sais pas très bien pourquoi on vit ; toi, tu sais pourquoi ?

Marie mit sa tête, où les cheveux et la toque de fourrure se mêlaient et luisaient ensemble, contre