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LA DOMINATION

aimé, et que pénétré et fécondé par moi, je suis innombrable et parfait : un signe, un cercle, une planète… J’ai mené plus de deuils et de fêtes dans mon imagination que ne peuvent en regorger les dômes et les palais de la terre. Quand la musique vient à moi, je la reçois en pleurant : elle est ma fiancée immortelle, l’orgueilleuse, l’intangible, la guerrière et la mouvante… Je suis ce que je suis, et je souffre parce qu’un homme me reprend une femme qui est la sienne, qui lui appartient, comme la femme du charpentier appartient au charpentier, et n’est point, ainsi que dans ma folie il m’apparaît, un objet précieux capté par un patricien barbare. »

Mais le souvenir qu’Antoine Arnault avait de Donna Marie pâle et frissonnante, les lèvres et les yeux enivrés, pressant contre lui sa douce épaule aiguë, lui rendait impossible un placide raisonnement.