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LA DOMINATION

Sur la sombre et lointaine lagune, la sirène d’un navire mugit…

De toute cette ardeur, de cette beauté, Antoine a le cœur brisé.

Il se tourne vers mademoiselle Tournay, il lui dit avec impatience :

— Dans cette Venise qui chante si haut, la sirène que vous venez d’entendre ne détonne point, semble un cri de passion plus aigu que les autres… Voyez quelle complaisance morbide, quel enjôlement des sens…

Et, soudain mademoiselle Tournay, dans les douces lumières, apparaît brûlante. Avec son front bas et ses yeux dorés et sa bouche d’appétit et de fête, cette autre Française apparaît brûlante.

Jamais Antoine ne l’avait regardée : jeune femme ordinaire, négligemment vêtue, qui servait dans le palais à ce que l’on voulait, à désennuyer la comtesse, à éconduire l’im-