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LA DOMINATION

Et elle, alors, se lève et marche, va et vient dans la chambre ; elle voudrait sortir de sa chambre, de la ville et de la vie, aller on ne sait où, dire à Antoine : « Antoine, Antoine tu m’as tuée. Je m’en vais où vont les mortes. Où sont les mortes ? »

Et puis elle songe que là-bas, non loin d’elle, dans une chambre du palais, Émilie Tournay se déshabille, entre dans son lit, se repose ; elle songe qu’Émilie Tournay est une petite bourgeoise, une fille sans fortune, qu’elle a aidée, qu’elle a aimée, mais dont elle jugeait et dédaignait toutes les allures, tous les sentiments, toute la forme…

Hélas, cette Émilie, Antoine l’a tenue dans ses bras ! Donna Marie n’aurait-elle point dû penser à cela, qu’on ne laisse pas une femme auprès d’un homme ? Ne sont-ils pas faits pour l’amour ? Non pour l’amour tendre et triste qui en cet instant déchire son âme, mais pour cet autre amour, bref et brûlant.