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LA DOMINATION

souvent percer son cœur ; mortes dans mon âme, elle et sa maison, et l’odeur de Chypre de ses mains, et nos courses du soir dans Paris illuminé, et ma jeunesse et sa jeunesse ! Morte aussi, la fille du maître, la petite Corinne, dont un soir j’ai aimé les larmes, comme j’aimais la nuit qui était au-dessus de nos têtes… Et, maintenant, ce souvenir est où est cette nuit, effacé, disparu, perdu. Évanouie, la jeune femme folle qui réchauffa mon cœur dans les froides Flandres ; morte, Émilie Tournay, dont les soupirs, au-dessus des roses d’un jardin de Venise, avaient la violence du printemps, de la musique et du vin ; mourante aussi dans mon âme, de jour en jour, hélas ! Donna Marie, qui, pendant six mois, fut ma vie, la lumière et la chaleur de ma vie… Que ne puis-je être fidèle ! Fier et noble bonheur ! Comprends-tu, Martin, je n’ai plus besoin d’elles, c’est fini. Leur douceur, leur