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LA DOMINATION

Il pensait : « Je suis venu ici autrefois, quand j’étais comme un enfant, les yeux de l’homme dépoétisent ». Il savait bien que Venise ment, que tout ment, qu’il n’est pas de bonheur, seulement une fuite rapide du temps, et des souvenirs qui s’usent. Il cherchait à s’oublier. Il poursuivit l’ombre de Musset, de George Sand, goûtant un petit recueil de leurs lettres, et le léger dessin, la tendre caricature que Musset fit de sa maîtresse : profil rond et doux comme une laque, semblable à un délicat poisson d’or du Japon.

Honorant la retraite de Byron, il s’attarda au couvent des Arméniens, où ces jeunes hommes polyglottes, typographes obstinés, courbent sur de pacifiques presses des colères d’enfants et de prêtres, se taisent, cependant que grondent en eux l’ardeur des catholiques romains, et les soupirs de la lointaine Etchmiadzin, la résidence odorante, où dans les