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LA DOMINATION

jours de juillet, sous un immobile soleil, les roses comme de l’eau bouillent…

Ainsi les journées passaient, mais la langueur des soirs, les nuits, les chants sur l’eau (toujours ce chant de Sainte-Lucie !) et la solitude, brisaient les nerfs d’Antoine Arnault.

Langueur de Venise qui êtes là, et là, et là-bas encore ! — On ne peut la fuir ni l’atteindre. — En quel point de l’espace cachez-vous vos racines, votre tendre noyau ?

— Ah beauté perfide et mortelle, s’écriait Antoine, soyez un jardin pour que je le pille, un trésor pour que je le disperse, une nymphe rebelle pour que je t’enchaîne et te morde !…

Il pensa aux jeunes femmes, qu’il voyait passer dans les barques. Il s’émut que, plus fragiles, elles eussent aussi à supporter cette inépuisable langueur. Avec pitié il se souvint d’une délicate et pâle meurtrière au