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LA DOMINATION

Missouff qui, dans un conte de Voltaire, quelque soir, me parut si voluptueuse ? Mon amie, que le Rhin coule en noyant l’anneau de Wagner, que sur le tombeau de René la tempête recouvre à jamais les gémissements d’Atala, que le balcon de Vérone s’abîme et disparaisse avec l’alouette et l’échelle de soie, que de mes deux mains j’étouffe le cou de colombe d’Antigone, que m’importe, si je puis avec vous, dans un caveau secret, vivre ou mourir ?… »

Et du fond de son âme, de loin, dans le silence, Élisabeth répond à cette voix :

« Je chancelais, songe-t-elle, et depuis ma naissance ne savais où poser mes pieds incertains. Aujourd’hui encore je vais en tremblant vers le bonheur ; si souvent il m’a déçue. Ah ! Antoine, dites-le-moi, êtes-vous mon ami véritable ; mon rêve n’emprunte-t-il point votre visage ? j’ai si peur ! S’il faut recommencer d’espérer en vain, je ne puis.