Page:Noailles - La domination, 1905.pdf/241

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
234
LA DOMINATION

Il ne lui disait pas : « Je vous aime » car ce qu’il sentait pour elle était au delà des mots et de la forme des pensées ; mais elle lui disait souvent qu’elle l’aimait, parce qu’elle était très jeune, pas assez pleine encore pour le silence.

Il ne savait pas si elle était jolie, de taille moyenne ou grande, si les doux cheveux, les yeux courbés, la pâleur faisaient l’enchantement du visage ; il ne savait rien, seulement que c’était une âme au centre de l’univers.

Ils possédaient plus qu’on n’attend. Lui pensait : « J’ai un empire ». Elle pensait : « J’ai un empire ». Quand ils disaient : « Voici le soir », c’était comme s’ils avaient, de leur propre volonté, amené le soir sur la terre.

Comme il ne souhaitait rien, il eût voulu qu’elle aussi fût une morte d’amour.

Elle vivait. Ève qui veut connaître son