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LA DOMINATION

lui tend sa main, petite, et qu’il sent froide. Elle le reçoit avec une vivacité brusque, avec étourderie. Elle dit :

— Il fait sombre ici ; peut-être aurez-vous un peu froid ; comme ces jacinthes sentent fort ! il y a des gens à qui les jacinthes donnent mal à la tête, mais, je crois, surtout les jacinthes bleues…

Et puis, elle s’assoit, se tait, regarde Antoine lentement, croise ses deux mains sur ses genoux ; et, comme une âme qui sent que le destin s’est accompli, elle dit lourdement, la tête penchée, le corps plié, se reposant :

— Voilà…

— Vous allez bien, vous semblez bien, essaye Antoine à voix basse.

— Oh ! je vais bien, dit-elle. Non !

Elle a senti l’indifférence, elle s’irrite et voudrait déjà se plaindre.

— Que de choses, soupire Antoine, que de choses depuis huit années !…